31 octobre 2006

Si la révision de la Constitution se concrétisait, c'est que nous serions tous des macaques.

Je ne connais pas M. Kamel Morjane. Tout au moins ce que je sais le concernant, c'est qu'il est l'actuel ministre de la Défense de la dictature tunisienne après avoir effectué, selon l'ami Chokri Yaacoub, une brillante carrière diplomatique.

Que l'homme soit connu pour son intégrité selon CY, qu'il ait laissé de "bons souvenirs" selon oiseau libre, "un homme" dit-elle "qu'on évoque en bien" , j'en prends acte.

Néanmoins, (et je précise au préalable que ce que j'écris n'a rien de personnel ni à l'égard de Chokri, ni à l'égard d'Oiseau Libre ni même à l'égard de Kamel Morjane) je vais me limiter à de simples constats.

Si ce qui s'écrit concernant la succession de Ben Ali venait à se confirmer, c'est que les Tunisiens ... nous sommes vraiment les derniers des macaques.

Ainsi donc, "les Etats-Unis semblent, rapporte l'AMD, avoir clairement indiqué aux hauts dirigeants de l’Etat tunisien que leur préférence va nettement à Monsieur Kamel Morjane pour succéder immédiatement à Monsieur Ben Ali en cas de vacance précipitée du pouvoir. Sans que cela apparaisse comme une injonction, mais la chose est dite par le canal de l’ambassadeur US à Tunis...".


- Or, je m'interroge : qui est supposé décider en dernier ressort du fait de confier la charge du commandement suprême des forces armées tunisiennes ? Est-ce le peuple tunisien souverain ou les USA ?

De même, le président de la République dont la fonction suppose la fidélité absolue à cette même nation et à ses intérêts peut-il devoir sa nomination à ce poste à des puissances étrangères plutôt qu'au peuple tunisien au nom duquel cette fonction est exercée ?

Que l'on ne s'y méprenne pas sur le sens de mes propos. Sur cette question, en tout cas, je ne peux rien reprocher aux Américains, ni d'ailleurs à Kamel Morjane. Libre aux Américains de soutenir qui ils veulent. Je ne vois d'ailleurs pas comment les empêcher de manifester une préférence pour telle personne ou telle autre. De même, il faut vraiment être le premier des démagos pour taxer de "chalabisme" toute personne à l'égard de laquelle se manifesterait une préférence américaine. On ne devient pas "Chalabiste" parce qu'une préférence américaine se déclare, on le devient par une attitude de valet à l'égard des US.

En réalité, ce qui est choquant dans cette histoire, c'est l'incapacité des Tunisiens à s'organiser pour imposer leur choix souverain. Ce qui serait absolument dramatique, et qui ferait de nous encore une fois les derniers des macaques, c'est cette incapacité qui se prolongerait au point de ne pas être en mesure de définir les moyens politiques pour imposer nos choix souverains.

La cruauté du drame qui est en train de se nouer ne réside pas tant dans le fait de la préférence américaine, mais plutôt dans l'autoroute que nous laisserions aux puissances étrangères pour décider de notre sort. Si le vide politique est tel qu'il faille l'intervention des USA pour choisir celui qui gouvernerait notre destiné pour l'après Ben Ali, et si ce vide est tel qu'il faille parachuter un technocrate, quand bien même ayant exercé ses talents dans la diplomatie, c'est qu'alors nous sommes, non pas des macaques, mais les derniers des imbéciles à l'intelligence encore inférieure à celle des macaques.


Suis-je en train de tenir des propos exagérés ? Pas si sûr.

En effet, comment ne pourrions-nous pas être les derniers des imbéciles en tolérant COLLECTIVEMENT l'éclatement du dernier socle sur lequel Ben Ali a cherché à bâtir sa légitimité et justifier son coup d'Etat : La succession automatique à la tête de l'Etat.

C'est quand même invraisemblable que l'on puisse revenir sur le fait d'une future révision de la Constitution pour permettre une telle succession automatique. Au cas où certains l'auraient oublié, je rappelle ce que proclamait si fort la déclaration du 7 novembre:

"L'époque que nous vivons ne peut plus souffrir ni présidence à vie, ni succession automatique à la tête de l'Etat desquelles le peuple se trouve exclu."

Voila donc qu'après le rétablissement de la présidence à vie par l'abrogation de la limite des mandats présidentiels, que l'on cherche à achever le travail par l'institutionnalisation de la "wisayya" en la forme d'un vice-président succédant automatiquement à la tête de l'Etat. C'est littéralement révoltant. Nulle part dans les pays démocratiques, il n'y a de vice-président nommé qui succède automatiquement en cas de mort ou d'incapacité du président. Un vice-président qui succède automatiquement à la tête de l'Etat ne peut l'être que s'il a été élu par le peuple en même temps que le président et non nommé par ce dernier.

Si effectivement ce scénario se concrétisait par la révision de la Constitution en ce sens et si un technocrate à l'instar de Kamel Morjane devenait président de la République parce qu'il a les faveurs des USA, alors le "chalabiste" ne pourra être ce monsieur.

Les "chalabistes" ce seront nous pour avoir choisi de laisser les puissances étrangères décider de notre destin.

Mais là j'exagère peut-être en disant que nous serions des "chalabistes". Sûrement. Car peut-on vraiment qualifier des macaques de "chalabistes"?

Astrubal, le 31 octobre 2006