24 décembre 2006

This blog has moved, please update your Bookmark.


Ce blog a été transféré sur cette URL : http://astrubal.nawaat.org, Merci de vous rediriger sur cette nouvelle adresse.
- Et hélas, sur la DNS de Nawaat, il demeure toujours censuré en Tunisie ... Mais rien n'est éternel, y compris les dictatures !

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My new blog on Nawaat's dns still censored in Tunisia. But, indeed, nothing is eternel, even dictatorships !

27 novembre 2006

Tunisie : Le cauchemar de l’information, un document pour l’Histoire





Tunisie : Le cauchemar de l'information, un document pour l'Histoire.
JT Tv7 fr. du 19 novembre 2006 à 23h56
3:14 consacrées à l'actualité nationale... 3:14 consacrées à Leïla Trabelsi...
Cherchez l'erreur !



Il y a encore quelques jours, Ben Ali affirmait dans son discours du 7 novembre 2006, que la démocratie en Tunisie est désormais comparable à celle des pays développés, tant au niveau des textes que de la pratique. Ainsi, le premier responsable de la Tunisie, s'exprimant plutôt en tant que premier menteur de l'Etat tunisien, sans craindre le ridicule, peignait un tableau de la Tunisie sorti tout droit, comme à l'accoutumée, de l'imagination de Carlo Collodi. Il n'y avait que l'accessoire nasal qui manquait au costume de scène.



"A questa terza bugia, il naso gli si allungò in un modo così straordinario..."
Carlo Collodi "Le avventure di Pinocchio" Ch. XVII


Des mensonges d'une telle facture, que le ministre de la propagande Abdelaziz Ben Dhia, éprouva le besoin d'en rajouter une couche, indiquant que le "discours du Chef de l’Etat a été exhaustif et global et a évoqué toutes les questions et tous les secteurs qui sont au cœur des attentes et aspirations des Tunisiens dans les domaines politique, économique, social et culturel et dans le secteur de l’information." (Cf. La Presse du 11 novembre 2006)

Pourtant, nul besoin d'aller loin pour chercher la contradiction. Dans cette scandaleuse édition du journal télévisé de la chaîne nationale, on redécouvre comme chaque soir la décadence à l'état pur d'un pays au bord du gouffre. Il n'y a littéralement plus de vie politique en Tunisie, plus de vie culturelle, sportive, économique, syndicale, universitaire, etc. Il n'y a plus rien en Tunisie qui compte hormis la censure, la répression de l'information et la répression tout court.

Sur une édition du Journal qui dure près de 00:07:52, moins de la moitié est consacrée à l'actualité nationale, soit 3:14.

Et sur ces 3:14", on observe une Tunisie tombée si bas, qu'il n'y plus rien en mesure d'intéresser le citoyen, hormis les activités d'une certaine Leïla. Et aussi invraisemblable que cela le paraîtra dans un avenir proche, le 19 novembre 2006, 19 ans après le 7 novembre 1987, l'intégralité du temps passé sur l'actualité nationale est consacrée à Leïla Trabelsi, épouse Ben Ali.

Tout autre commentaire de ma part ne serait que futilité devant une telle tragédie !


Astrubal, le 26 novembre 2006.

22 novembre 2006

Diffamation Sur Internet : La Cour Suprême De Californie Tranche

par Iain Thomson (vnunet.com), vnunet 22-11-2006

Les propriétaires de site Web et les blogueurs ne pourront désormais plus être tenus pour responsables des propos diffamatoires tenus par des tiers.

A la suite d’une décision de la Cour Suprême de Californie, les fournisseurs d’accès à Internet et les blogueurs seront désormais à l’abri de toute poursuite judiciaire pour les propos diffamatoires tenus par des tiers et publiés sur leurs sites. Dans l’affaire Barrett contre Rosenthal, le tribunal a décidé que seul l’auteur du contenu pouvait être poursuivi et que les tiers publiant ledit contenu devaient être protégés par l’immunité.

Cette décision a des portées considérables pour l’avenir des contenus en ligne. "Nous reconnaissons que le fait d’accorder une large immunité pour la republication de propos diffamatoires sur Internet a des conséquences inquiétantes", a déclaré la Cour. "Mais tant que le Congrès ne se décidera pas à réviser la législation en vigueur dans ce domaine, les plaignants qui prétendent avoir été victimes de diffamation sur une publication en ligne ne pourront obtenir réparation qu’auprès de la source initiale des déclarations. "

Les sites Web de deux docteurs cherchant à discréditer les médecines alternatives et à identifier des cas de fraude médicale sont au cœur de cette affaire. Ilena Rosenthal, intervenant en médecine alternative, a posté sur son site une lettre rédigée par un tiers qualifiant les deux médecins de “Nazis” et "de tueurs à gages œuvrant pour leurs propres intérêts " et les accusant d’être impliqués dans des activités criminelles.

Un espace vibrant et libre pour le débat et les échanges d’idées

Les deux médecins ont intenté un procès contre Rosenthal, au terme duquel le tribunal leur a donné raison. Après avoir fait appel, Rosenthal a obtenu le soutien de Google, d’eBay, d’Amazon ainsi que des associations de lutte pour la liberté d’expression. La décision de la cour d’appel est aujourd’hui vue comme une véritable victoire pour la liberté d’expression.

"En réaffirmant l’intention du Congrès d’offrir une protection à ceux qui permettent aux autres de s’exprimer, la Cour garantit qu’Internet restera un espace vibrant et libre pour le débat et les échanges d’idées", se félicite Ann Brick, juriste à l’American Civil Liberties Union of Northern California. "Toute décision contraire aurait inévitablement nui à la liberté d’expression sur Internet."

Cette décision ne protège pas l’auteur des commentaires lui-même. En revanche, elle considère que les sites Internet devraient recevoir la même protection que les entreprises de télécommunication comme les opérateurs téléphoniques par exemple, et ne devraient pas être considérés comme des éditeurs responsables du contenu qu’ils publient.

"La décision de la Cour Suprême renforce la protection de la liberté de parole sur Internet", commente Mark Goldowitz, directeur du California Anti-SLAPP Project et avocat de Rosenthal. "La décision du juge Corrigan permet d’éviter le « veto perturbateur » qui a tendance à paralyser la liberté d’expression sur Internet.

Source : vnunet.fr


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[l'article original en anglais]


California court rules on web defamation
Iain Thomson, vnunet.com 21 Nov 2006



Website owners 'not responsible for third-party comments'


The California Supreme Court has ruled that internet service providers and bloggers cannot be sued for third-party comments posted on their sites.

In the case of Barrett versus Rosenthal the court found that only the originator of the content could be sued, but that third parties who repost the material should be immune from prosecution.

The ruling has profound implications for the future of internet content.

"We acknowledge that recognising broad immunity for defamatory republications on the internet has some troubling consequences," said the court.

"Until Congress chooses to revise the settled law in this area, however, plaintiffs who contend they were defamed in an internet posting may only seek recovery from the original source of the statement."

The case stemmed from two doctors who ran websites debunking some alternative medicines and seeking to identify medical fraud.

Ilena Rosenthal, an alternative health practitioner, posted a letter from a third party on her website which accused the two doctors of being Nazis and " hired guns for vested interests", and suggested that both had engaged in criminal activities.

The two doctors sued and the courts initially found in their favour. During her appeal Rosenthal received extensive support from Google, eBay, Amazon and free speech groups, and today's ruling was hailed as a victory for free speech.

"By reaffirming that Congress intended to grant protection to those who provide a forum for the views of others, the Court has ensured that the internet will remain a vibrant forum for debate and the free exchange of ideas," said Ann Brick, staff attorney at the American Civil Liberties Union of Northern California.

"Any other ruling would have inevitably made speech on the internet less free."

The ruling does not protect the original poster of the comments, but found that internet sites should receive the same protections as "common carriers" like telephone companies rather than being seen as publishers responsible for content.

"The Supreme Court's opinion strengthens protection for speech on the internet," said Mark Goldowitz, director of the California Anti-SLAPP Project and counsel for Rosenthal.

"Justice Corrigan's opinion protects against the 'heckler's veto' chilling speech on the internet."

Source : Vnunet.com

12 novembre 2006

Islam et politique : TBH en flagrant délit de contradiction


Le comble pour un futur président "laïc", s'il échet ?
Devoir être le protecteur de la religion !



Encore une fois, un débat traitant des rapports de la religion à l'Etat démontre, y compris de la part des plus fervents partisans de la "laïcité", à quel point certains discours théoriques se trouvent laminés dès qu'il s'agit de les confronter à la réalité parfois implacablement têtue. C'était le cas du dernier débat ayant eu lieu sur "Canal El Hiwar" dans son édition 27.

Rappelons d'abord que s’agissant des questions religieuses, les partis politiques, comme chacun le sait, n’ont pas à se baser fondamentalement sur la religion. Or, la religion faisant partie intégrante de la vie des citoyens - nous voyons mal comment on peut l’exclure du débat politique. On peut toujours admettre que la situation, étant ce qu’elle est dans cette région, il peut être opportun, du moins pour un temps, d’exclure la religion des luttes partisanes. Mais dans ce cas, des objections d'ordre pratique s'imposent d'elles-mêmes :

- Tout le discours officiel relatif aux politiques législatives ne manque jamais l'occasion pour se justifier par rapport à la religion. Toutes ces politiques ont été à un moment ou à un autre présentées comme le produit d’une démarche de progrès qui fait de l’Ijtihad sa source principale d’inspiration. Par conséquent, en vertu de quoi ceux qui gouvernent ont le droit de fonder leur politique sur l’Islam à l’exception de ceux qui, dans l’opposition, aspireraient à les remplacer ?

- Pourquoi n’y aurait-il pas des personnes plus progressistes que l’équipe qui gouverne et lesquelles, constatant le conservatisme religieux de ceux qui sont au pouvoir, seraient en mesure de les dénoncer au profit d'une vision plus progressiste fondée sur une lecture contemporaine de la religion ? Et face à la diversité d’opinion que nulle loi ne saurait annihiler, les partis politiques sont-ils réduits à mener campagne avec plein d’arrière-pensées ? Ou bien faut-il figer la société dans une lecture de la religion -la Vérité officielle- qui ne peut plus être ni discutée, ni contredite, ni transformée ?

Bien sûr, pour la paix civile, il faut qu’il n’y ait qu’une seule vérité reconnue par tous ; la Vérité qui sort de la bouche du parlement et des tribunaux. Mais l’obligation de la reconnaissance et du respect de la vérité légale ne doit nullement induire sa transformation en dogme absolu.

- Et puis, comme nous l'avons écrit en d'autres circonstances, le peuple est il vraiment souverain comme l’affirme la loi fondamentale tunisienne? Est-ce réellement le peuple tunisien qui a décidé souverainement de faire de l’Islam la religion de l’État. Si oui, comment l’a-t-il fait. La formulation de cette disposition aussi fondamentale n’est pas censée avoir été improvisée du jour au lendemain. Elle a bien dû faire l’objet de débat avant de se voir consacrer. Ce débat aujourd’hui n’est-il alors plus possible ?

- Enfin, que signifie «s’appuyer fondamentalement sur la religion» ? Car quel être humain ne s’inspire t-il pas fondamentalement, pour ses actes de tous les jours, de ce qui donne du sens à sa vie. Un sens fût-il religieux ou philosophique, le même sens qui donne à TBH une direction à sa vie et à son action. Assurément, une telle limite est d'une grande maladresse, d’autant plus que la loi tunisienne dispose que les partis politiques doivent défendre dans leurs programmes -encore un paradoxe- les idéaux arabo-musulmans. Où se terminent, alors, les discours qui défendent les valeurs arabo-musulmanes et où commencent les discours fondamentalement religieux ?

Et puis, si on écoute encore TBH, les contradictions deviennent littéralement inextricables, au point que l'animateur de Canal el Hiwar lui-même ne sait plus où il en est. En effet, à la question "est-il normal qu'un candidat à la présidence renchérisse sur son "islamité" au travers de ses affiches électorales ?", TBH se retrouve hors sujet en confondant totalement les prérogatives du président de la République avec celles du candidat.

Toujours est-il, n’est-ce pas s’appuyer fondamentalement sur la religion lorsque tel candidat à des élections présidentielles (et non le président comme le laisse croire TBH) figure sur ses affiches électorales avec l’habit religieux le plus impressionnant qui soit (celui que les musulmans portent lorsqu’ils effectuent le pèlerinage à la Mecque) et avec pour slogan : «hamii el himâ ouwa Eddine» [le protecteur de la religion notamment]. Tel fut le cas, en effet, des affiches du candidat Z. A Ben ALI aux élections présidentielles tunisiennes de 1989. Lors de cette compagne, le candidat Ben Ali avait à l’évidence commis une grave infraction à la législation qu'il a lui-même promulguée. Il a confondu entre les devoirs d’un président de la République et les devoirs et obligations qui sont ceux des candidats à cette charge. Car, si le premier est et doit être effectivement le protecteur de la religion de tous les Tunisiens conformément aux dispositions de la Constitution ; le candidat, lui, et selon la législation en vigueur, n’a pas à surenchérir sur ses qualités religieuses.

Par ailleurs, si l'on considère effectivement que quelque candidate ou candidat aux élections présidentielles que ce soit, une fois élu(e), devient, de par le serment constitutionnel qu’il/elle prête, le premier protecteur(rice) de la religion, nous nous retrouvons très vite devant une difficulté inextricable. Et l'on pourra se contorsionner dans tous les sens, arrivera toujours le moment où, durant la campagne électorale, il est du droit légitime de tout citoyen de s'interroger sur l'étendue des préoccupations du candidat(te) à la présidence en matière religieuse.

Nous pouvons comprendre tous ceux qui, au regard des dangers liés à la violence potentielle de certains partis reconnus ou non reconnus, admettent le bien-fondé de telles dispositions censurant les débats sur les aspects religieux. Pourtant, il n'en demeure pas moins que ces dispositions, nonobstant leurs maladresses et le manque d’imagination de leurs auteurs, dénotent surtout l’absence de volonté réelle, politiquement désintéressée, de combattre les dangers de l’extrémisme par des moyens véritablement démocratiques. L’enjeu n’est pas de s’opposer à ceux qui s’appuient sur la religion, notion particulièrement vague, mais est la défense de l’ordre public démocratique. C’est des interdictions des atteintes à cet ordre public dont il s’agit est non de religion (1). C’est de l’exclusion de ceux qui affirment que telle est la loi, parce que Dieu l’a prescrit ; ceux qui revendiquent le monopole de l’interprétation de la parole divine pour l’imposer à tous dont il s’agit, et non de l’exclusion de ceux qui affirment que telle est la loi parce que le parlement l’a votée en toute indépendance de corps et d’esprit. Votée dans le strict respect des libertés fondamentales et des garanties prévues par les textes en vigueur. Que la Tunisie fasse en sorte que ces garanties soient solides comme un roc, et il n’y aurait plus de craintes à avoir à l’égard de quelque obscurantiste que se soit.

Sur le plan des victoires électorales, il est vrai que ceux qui affirment, à l'instar de TBH, que "la juxtaposition de l'islamisme et de la modération est un non-sens", pour ceux-là, en effet, il y a de quoi avoir beaucoup de craintes si les règles démocratiques venaient un jour à être respectées en Tunisie.

Astrubal, le 11 novembre 2006

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1- Et de ce point de vue, les dispositions du code pénal tunisien relatives à la protection de l’ordre public ont depuis longtemps dépassé les limites du "démocratiquement" acceptable.

09 novembre 2006

L'élite et ses rapports au peuple selon Néjib Chebbi du PDP


L'élite et ses rapports au peuple selon Néjib Chebbi du PDP

Ahmed Néjib Chebbi Sur Canal El Hiwar [video]


Néjib Chebbi sur Canal El Hiwar : éd. 25 du 29 oct. 2006.



Une brillante prestation de la part d'un homme très lucide.
A voir et à revoir vers 1h26:40 une séquence qui deviendra d'anthologie.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que TBH a un peu souffert cette fois-ci.

02 novembre 2006

منصف المرزوقي : نداء للانخراط في المقاومة المدنية السلمية


نحن التونسيون والتونسيات ، لنا جملة من الحقوق بموجب الأعراف والقوانين الدولية وروح العصر والمستوى الحضاري الذي بلغناه ، ومنها :



- 1- حقنا كأفراد، ألا نتعرض للإذلال، أو للترويع ،أو للتجسس المتواصل،أوللتدخل في حياتنا الخاصة ، أو للعيش تحت التهديد ، إن نحن احتججنا على سلطة فاقدة الهيبة ، فاقدة المصداقية ، فاقدة الشرعية .

- 2- حقنا كرجال ونساء، نعمل بجد ونزاهة، لإنتاج خيرات البلاد ألا تتصرف عصابات حق عام في المال العمومي بأشكال من الفساد فاقت كل خيال ، ساخرة من نزاهتنا، متحدية قوانين البلاد والأخلاق العامة ، ومصادرة لصالحها موارد نحن بأمس الحاجة إليها لخلق مواطن شغل لشبابنا العاطل، أو لتحسين أداء نظامنا الصحي و التعليمي .

- 3- حقنا كشعب أن يراقب ويقيّم ويختار من يكلّف بإدارة الشأن العام وفق انتخابات لا تشكل امتهانا لكرامتنا، وسخرية من ذكائنا ، واستهتارا بمصالحنا، ومصادرة لحرياتنا.

إن كل هذه الحقوق مبدئية وغير قابلة للتصرف ومن ثمة لا يحق للنظام أن يصادرها وأن يزيفها ،أو أن يدعي التحكم في توقيت تمتيعنا بها حسب أجندة نضجنا المزعوم .

ولأنها مبدئية وغير قابلة للتصرف، لا يحق أيضا لأي طرف في المعارضات ، بحجة الإصلاح والصلح والمصالحة والتدرج والاعتدال والوسطية ، التفويت فيها جملة أو تفصيلا، أو المساومة بها ، أو التقدم ببعضها دون أخرى، ببالغ الاحتشام.

وإن كانت للتونسيين والتونسيات حقوق فإن لهم بنفس الكيفية واجبات .

لنتذكّر أننا لسنا مسئولين فقط عن أنفسنا ،إنما خاصة عن وطن استعرناه من أطفالنا ويجب أن نرجعه لهم في أحسن حال. فالتصدي للغرف من مواردنا، وتشجيع الرزق بالوسائل الشريفة، وإشاعة القيم الحقيقية، ومنع تحويل وجهة شرطتنا وقضائنا وبنوكنا وجماركنا وإدارتنا لتصبح في خدمة العصابات ، وتعهد كل هذه المؤسسات بالتكريم والإصلاح المتواصل في خدمة الصالح العام ...كلها من الشروط الأساسية لتعرف الأجيال المقبلة شيئا من فرحة الحياة التي حرمنا منها، وخاصة لكي تحيا تونس وتتواصل في كنف التقدم والعدالة والسلم .

هذه الواجبات تجاه الأجيال المقبلة، وتجاه أنفسنا هي التي تستنهضكم اليوم.

نعم آن الأوان للخروج من الانتظارية ،من الاستقالة الجماعية، من الانتهازية، من الفردية، ومن سهولة تبرير القعود والعجز، من تسول إصلاحات هشة في مقابل بقاء نواة الاستبداد . أيها الشباب ، ارفعوا رؤوسكم ، طلقوا الخوف، ، ابتكروا في كل مكان ، وفي كل فرصة ، كل الوسائل السلمية للاحتجاج ، اخلقوا قياداتكم القاعدية ، تصدوا بكل حزم لاستبداد أكثر هشاشة مما تظنون، ضعوا الشارة السوداء حول الذراع الأيمن علامة على الانخراط في صلب المقاومة المدنية .... وذلك إلى أن يتحقق لتونس استقلالها الثاني ، إلى أن نبني الجمهورية الفعلية والنظام الديمقراطي غير المغشوش على أنقاض نظام التزييف والفساد والقمع .

إن الحقوق كما علّمنا دوما التاريخ لا تعطى وإنما تفتك خاصة من هذا النظام المسرف في ظلمه وفي جبروته، وقديما قال أحمد شوقي

وما نيل المطالب بالتمني ( فما بالك بالتسول ) وإنما تؤخذ الدنيا غلابا

وهو الذي قال أيضا

وما استعصى على قوم منال إذا الإقدام كان لهم ركابا .

فإلى نصرة الوطن أيها التونسيون والتونسيات.

منصف المرزوقي

تونس في 1-11-2006





Extrait de l'intervention de M. Marzouki sur Eljazeera - 14/10/06

31 octobre 2006

Si la révision de la Constitution se concrétisait, c'est que nous serions tous des macaques.

Je ne connais pas M. Kamel Morjane. Tout au moins ce que je sais le concernant, c'est qu'il est l'actuel ministre de la Défense de la dictature tunisienne après avoir effectué, selon l'ami Chokri Yaacoub, une brillante carrière diplomatique.

Que l'homme soit connu pour son intégrité selon CY, qu'il ait laissé de "bons souvenirs" selon oiseau libre, "un homme" dit-elle "qu'on évoque en bien" , j'en prends acte.

Néanmoins, (et je précise au préalable que ce que j'écris n'a rien de personnel ni à l'égard de Chokri, ni à l'égard d'Oiseau Libre ni même à l'égard de Kamel Morjane) je vais me limiter à de simples constats.

Si ce qui s'écrit concernant la succession de Ben Ali venait à se confirmer, c'est que les Tunisiens ... nous sommes vraiment les derniers des macaques.

Ainsi donc, "les Etats-Unis semblent, rapporte l'AMD, avoir clairement indiqué aux hauts dirigeants de l’Etat tunisien que leur préférence va nettement à Monsieur Kamel Morjane pour succéder immédiatement à Monsieur Ben Ali en cas de vacance précipitée du pouvoir. Sans que cela apparaisse comme une injonction, mais la chose est dite par le canal de l’ambassadeur US à Tunis...".


- Or, je m'interroge : qui est supposé décider en dernier ressort du fait de confier la charge du commandement suprême des forces armées tunisiennes ? Est-ce le peuple tunisien souverain ou les USA ?

De même, le président de la République dont la fonction suppose la fidélité absolue à cette même nation et à ses intérêts peut-il devoir sa nomination à ce poste à des puissances étrangères plutôt qu'au peuple tunisien au nom duquel cette fonction est exercée ?

Que l'on ne s'y méprenne pas sur le sens de mes propos. Sur cette question, en tout cas, je ne peux rien reprocher aux Américains, ni d'ailleurs à Kamel Morjane. Libre aux Américains de soutenir qui ils veulent. Je ne vois d'ailleurs pas comment les empêcher de manifester une préférence pour telle personne ou telle autre. De même, il faut vraiment être le premier des démagos pour taxer de "chalabisme" toute personne à l'égard de laquelle se manifesterait une préférence américaine. On ne devient pas "Chalabiste" parce qu'une préférence américaine se déclare, on le devient par une attitude de valet à l'égard des US.

En réalité, ce qui est choquant dans cette histoire, c'est l'incapacité des Tunisiens à s'organiser pour imposer leur choix souverain. Ce qui serait absolument dramatique, et qui ferait de nous encore une fois les derniers des macaques, c'est cette incapacité qui se prolongerait au point de ne pas être en mesure de définir les moyens politiques pour imposer nos choix souverains.

La cruauté du drame qui est en train de se nouer ne réside pas tant dans le fait de la préférence américaine, mais plutôt dans l'autoroute que nous laisserions aux puissances étrangères pour décider de notre sort. Si le vide politique est tel qu'il faille l'intervention des USA pour choisir celui qui gouvernerait notre destiné pour l'après Ben Ali, et si ce vide est tel qu'il faille parachuter un technocrate, quand bien même ayant exercé ses talents dans la diplomatie, c'est qu'alors nous sommes, non pas des macaques, mais les derniers des imbéciles à l'intelligence encore inférieure à celle des macaques.


Suis-je en train de tenir des propos exagérés ? Pas si sûr.

En effet, comment ne pourrions-nous pas être les derniers des imbéciles en tolérant COLLECTIVEMENT l'éclatement du dernier socle sur lequel Ben Ali a cherché à bâtir sa légitimité et justifier son coup d'Etat : La succession automatique à la tête de l'Etat.

C'est quand même invraisemblable que l'on puisse revenir sur le fait d'une future révision de la Constitution pour permettre une telle succession automatique. Au cas où certains l'auraient oublié, je rappelle ce que proclamait si fort la déclaration du 7 novembre:

"L'époque que nous vivons ne peut plus souffrir ni présidence à vie, ni succession automatique à la tête de l'Etat desquelles le peuple se trouve exclu."

Voila donc qu'après le rétablissement de la présidence à vie par l'abrogation de la limite des mandats présidentiels, que l'on cherche à achever le travail par l'institutionnalisation de la "wisayya" en la forme d'un vice-président succédant automatiquement à la tête de l'Etat. C'est littéralement révoltant. Nulle part dans les pays démocratiques, il n'y a de vice-président nommé qui succède automatiquement en cas de mort ou d'incapacité du président. Un vice-président qui succède automatiquement à la tête de l'Etat ne peut l'être que s'il a été élu par le peuple en même temps que le président et non nommé par ce dernier.

Si effectivement ce scénario se concrétisait par la révision de la Constitution en ce sens et si un technocrate à l'instar de Kamel Morjane devenait président de la République parce qu'il a les faveurs des USA, alors le "chalabiste" ne pourra être ce monsieur.

Les "chalabistes" ce seront nous pour avoir choisi de laisser les puissances étrangères décider de notre destin.

Mais là j'exagère peut-être en disant que nous serions des "chalabistes". Sûrement. Car peut-on vraiment qualifier des macaques de "chalabistes"?

Astrubal, le 31 octobre 2006

26 avril 2006

A propos d'une dérive"... de la gauche



D’abord malgré toute l’estime que j’ai à l’égard de certains des signataires de l’appel "A propos d’une dérive" [posté par Adel Ayadi sur le forum Taht Essour de nawaat-NDLR] dont certains sont si proches au point de compter parmi les vrais amis, je ne peux m’empêcher d’exprimer la réaction que j’ai eue en le lisant. Par ailleurs, que ceux qui ne se sont jamais compromis avec la dictature, me pardonnent certains propos qui peuvent paraître outranciers à titre personnel, mais lesquels, hélas, à titre collectif sont un constat, le mien, de l’attitude de la gauche sous Ben Ali.

D’une part, naïf celui qui peut croire un seul instant que parmi les islamistes, certains ne couvent pas quelques arrières pensées totalitaires. Mais, outre la myopie, plus naïf encore est celui qui ne voit pas que l’une des pépinières de la dictature tunisienne est cette gauche dont on parle dans le document. Et malgré la répugnance que j’éprouve à le reconnaître, étant donnée ma sensibilité de gauche, l’un des socles de la dictature tunisienne actuelle repose bel et bien sur le support que la gauche a fourni à la dictature. Jamais Ben Ali n’aurait pu offrir à la face du monde la vitrine pluraliste qu’il prétend, si la gauche ne s’était pas compromise avec son régime. Jamais non plus, il n’aurait pu asseoir une telle dictature sans la participation de la gauche au sein des rouages institutionnels ne serait-ce que par les participations aux bouffonneries électorales si coutumières. Et, enfin, jamais les persécutions des authentiques militants de gauche -authentiques par la sincérité de leurs engagements désintéressés- n’absoudront cette complicité, par les actes, de la gauche tunisienne.

Tout ceci pour dire, que le très entendu baratin relatif à « la défense de la société civile et de ses acquis universalistes et laïques » par la bouche de la gauche est devenu, à mes yeux, pure foutaise.

D’autre part, ce même vocabulaire employé dans le contexte du conflit qui oppose la gauche aux islamistes c’est du vent que du vent ... que dis-je, c’est des courants d’air à faire crever les plus résistants (sans jeu de mots). Ce discours n’est plus audible par beaucoup de gens, y compris parmi les sympathisants de gauche, tant ils ont déchanté. Et il n’est pas exagéré de dire que la gauche a beaucoup plus à se reprocher en matière de participation aux atteintes à la démocratie et aux principes républicains que les islamistes qui n’on jamais ni exercer, ni participer aux actes de l’actuelle dictature. Et, comme précisé précédemment, que dans le rang des islamistes certains puissent avoir des arrières pensées rétrogrades, nous sommes nombreux à le croire. Mais là encore, il faut bien comprendre que jamais non plus les arrières pensées rétrogrades de quelques islamistes n’absoudront les actes rétrogrades de ses 20 dernières années de la gauche tunisienne, ni sa dérive collective et suicidaire sous le règne de Ben Ali... et surtout pas à rendre crédibles, ceux parmi les signataires, qui ont participé aux mascarades électorales du régime.

Au fond, pour beaucoup de Tunisiens, dont je fais partie, le désenchantement est tel, que malgré nos sensibilités politiques, les étiquettes ne représentent plus grand chose. La seule chose qui compte aujourd’hui, ce ne sont plus les discours sur la « laïcité »[sic], ni ceux sur les arrières pensées des uns et des autres dont on a le ventre plein. Ce qui compte se sont les actes pour défendre les libertés et droits fondamentaux qui n’appartiennent ni à la gauche, ni aux islamistes, car nul parmi eux n’a le monopole de leur défense.

Aux signataires de ce document, j’ai envie de dire ceci : Montrez d’abord ce que vous avez dans le ventre, surtout lors des rendez-vous électoraux et spécialement à l’égard de vos amis. Et avant de s’en prendre aux islamistes lors des périodes « électoralement » creuses, il faudrait d’abord, pour être crédible, s’en prendre à ceux qui, parmi vos amis (et parfois vous-même), oublient que l’on ne collabore pas directement ou indirectement avec une dictature quelle que soit sa nature et quelle que soit l’occasion.

Et surtout ne vous faites pas de bile, les Tunisiens ne sont pas si stupides, ni si suicidaires pour virer une dictature afin de se jeter dans les bras d’une autre. Le vrai combat de la gauche, ce ne sont pas les islamistes, mais celui pour la démocratie, les libertés et droits fondamentaux et les principes républicains qui sont si chers aux Tunisiens. Si vous vous trompez de cible, il ne faudrait pas alors s’étonner du détournement des Tunisiens des rangs de la gauche.

Astrubal, le 26 avril 2006

16 avril 2006

"Bourguiba et la Modernité", retour sur la rencontre de l’IMA du 30 mars 2006

D’abord merci à l’Institut du Monde Arabe d’avoir accueilli dans ses murs cette manifestation consacrée à "Bourguiba et la modernité", et ce, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance tunisienne, tout comme d’avoir publié sur son site un compte rendu de cette réunion.

Ensuite, disons-le d’emblée à quel point il paraît toujours difficile d’organiser une telle manifestation relative au sens de l’action bourguibienne qui s’est étalée sur près d’un demi-siècle. Tant auprès de ses admirateurs que de ses détracteurs, la passion suscitée est toujours aussi vigoureuse de la part de celui que la Constitution tunisienne consacra "combattant suprême" et président à vie de la République tunisienne [1].

Ladite manifestation va encore révéler précisément à quel point l’approche de l’itinéraire historique du fondateur de la République tunisienne se trouve prise par les mythes et les tabous historiques. Mais le plus gênant, s’agissant de la rencontre du jeudi 30 mars 2006, c’est que celle-ci, en dépit du fait qu’elle se voulait plus proche du colloque académique que d’une modeste réunion ne dérogea pas à la règle. En effet, universitaires, diplomates, historiens et anciens ministres (certains cumulaient plusieurs casquettes) s’étaient réunis pour évoquer les rapports de Bourguiba à la modernité. La manifestation étant ouverte au public, les crispations des attitudes face aux propos tenus par certains conférenciers et les débats tendus prirent hélas vite le dessus.

Prometteur pourtant, le thème de la rencontre ne fut pas judicieusement abordé. Est-ce parce qu’au-delà des rapports de Bourguiba à la modernité, se profile le rapport bien plus problématique de toute une nation à cette même modernité ? Et s’agissait-il de la modernité vue par les conférenciers Pierre Hunt, Jean Lacouture, Jean Daniel ? Ou alors celle de Tahar Haddad, Mohammed Talbi ou Edouard Saïd ? Et puis s’agissait-il de cette modernité restrictive qui repose sur les seuls critères de la scolarisation massive, la santé publique et le code du statut personnel ou comme le fit fort justement remarquer l’un des présents, Abdellatif Ben Salem, qui prend également en compte les institutions politiques, la pratique du pouvoir et la culture du pluralisme.

Si, en effet, l’action de Bourguiba en faveur de la scolarisation, la santé publique et le statut de la femme ne sont pas -sous certaines réserves (cf. infra)- contestables, le bilan global de l’homme demeure pourtant, le moins que l’on puisse dire, mitigé. S’arrêter sur ces éléments restrictifs de la modernité comme certains conférenciers l’on fait, à l’instar de Mohammed Charfi, c’est faire preuve d’une lecture à la fois partielle et partiale de l’histoire.

S’agissant du CSP, et sans minimiser le rôle de Bourguiba, il faut néanmoins relever que si ce code fut adopté très tôt à l’issue de l’indépendance, c’était aussi parce que la volonté du nouveau président du conseil, Bourguiba, n’était pas sans coïncider avec une représentation nationale disposée à accepter le texte, tout comme avec une prédisposition (aussi minime soit-elle) d’une opinion publique dont l’œuvre révolutionnaire de Tahar Haddad ne laissait guère plus indifférent [2]. En outre, concernant l’abolition du mariage polygamique, il n’est pas inutile de rappeler que depuis des siècles déjà, certains usages locaux (’amal), tel à Kairouan, faisaient du "Shart (condition)" monogamique une quasi-institution [3].

Comment également ne pas comprendre les crispations des débats qui suivirent lorsque le modérateur, ancien ambassadeur de France à Tunis, fit maladroitement sienne la phrase de Masmoudi qui qualifiait Bourguiba d’un "[...] homme parti de rien, et qui veut, de la nation tunisienne, faire un État comme la France". Des propos confortant le mythe, historiquement fallacieux, de l’homme qui, d’une "poussière d’individus a forgé un peuple". Curieuse appréciation à la fois sélective et tronquée de l’histoire de la naissance de l’État tunisien. Un État, au sens wébérien du terme, né pourtant il y a près de cinq siècles avec la dynastie hafcide. C’est sous ces derniers en effet qu’une authentique nation se révèle et, du coup, la genèse d’un État qui s’avérera différent de tous ceux qui l’ont précédé, car désormais peuplé par une Nation qui se reconnaît en tant que telle. Ainsi, ce n’est nullement en 1956, mais dès la fin du règne des hafcides, que les fondations de l’Etat-nation tunisien étaient déjà jetées [4]. Il faudrait peut-être un jour ou l’autre cesser de confondre la fondation de l’Etat-Nation tunisien et son appareil d’État, avec la fondation d’un nouveau régime politique, en l’occurrence le régime républicain.

Par ailleurs, l’affirmation "d’un homme parti de rien" qui bâtit un État moderne devient quasi ridicule lorsque l’on songe que le socle sur lequel Bourguiba va fonder son action et ses revendications (y compris jusqu’à la dénomination même de son parti) est un socle enraciné dans l’une des histoires institutionnelles parmi les plus riches de la région. C’est sur ce socle, formé entre autres par le pacte fondamental (1857) et la première Constitution tunisienne (1861) que fermenteront les idées et la culture d’un État constitutionnel moderne. Certes, nous connaissons tous les conditions dans lesquels ces documents furent promulgués. Mais quelles que soient leurs tares congénitales, ils seront le catalyseur du mouvement constitutionnaliste tunisien, le même qui donnera naissance aux partis destourien et néo-destourien. Et lorsque Bourguiba promulga la nouvelle Constitution de l’État tunisien indépendant le 1er juin 1959, il le fit avec la promesse solennelle que ce nouveau texte fondant la nouvelle République n’aura pas le sort de celui qui l’a précédé. Cette promesse fut tenue au sein d’un long et non moins mémorable discours vantant les mérites d’une République moderne avec des pouvoirs séparés et surtout un exécutif qui ne pouvait en aucun cas s’accommoder d’un chef au mandat viager. Sinon, avait-il pris soin de préciser, "ils pouvaient vieillir, devenir incapables d’assumer le pouvoir et tomber sous la coupe d’un entourage de courtisans et de créatures. C’était l’impasse, sans aucun moyen d’en sortir" [5]. Nul doute que ce jour-là, de tels propos ne pouvaient qu’être en phase avec les conceptions que l’on est en droit de se faire de la modernité.

Évaluer le bilan de Bourguiba au regard de la modernité, non pas celle que certains prétendent, mais celle plus authentique avec ses composantes politique, sociale, culturelle et morale, dépendra toujours de l’appréciation que l’on se fait du contexte de l’époque.

Une appréciation anachronique, en somme au regard des exigences morales et démocratiques d’aujourd’hui, des besoins de respect des garanties et libertés fondamentales actuelles, ferait du bilan de Bourguiba un fait négatif. Ce bilan serait d’autant plus négatif, qu’il est question ici d’un pays, la Tunisie, qui n’est pas sortie du néant. Un pays avec une nation largement pacifiée car constituée - y compris au sens contemporain du terme- depuis près d’un demi-millénaire ; une nation qui n’est en aucun cas comparable à certaines autres qui souffrent de maux en rapport avec le tribalisme ou les conflits ethniques et religieux.

Si, en revanche, l’on ne désire pas tomber dans l’anachronisme, en ne perdant pas de vue les mœurs politiques de l’époque (c’est-à-dire jusqu’à la fin des années 70), y compris et surtout dans les pays dits démocratiques ; si l’on prend en considération que les assassinats politiques étaient également une pratique courante des services secrets et/ou spéciaux de ces mêmes pays dits démocratiques ; si l’on ne néglige pas le fait que, partout dans le monde, l’indépendance de la justice souffrait de quelques lacunes, que la rigueur du respect des règles de droit n’était pas toujours au rendez-vous, que parfois l’on prenait quelques libertés au regard de la séparation des pouvoirs, que le harcèlement politiques n’était pas vraiment absent selon que l’on était communiste au pays de l’oncle Sam ou libéral dans les pays du "socialisme réel", que de temps à autre ce qui se passait dans les prisons occidentales n’était pas franchement glorieux, que le respect des normes constitutionnelles faisait quelquefois défaut, tout comme pour le respect des conventions internationales ..., alors, peut-être, et en faisant abstraction de tout jugement moral, le bilan de Bourguiba jusqu’au tournant de l’année 1976 pourrait, au regard de ce que se passait ailleurs et à la même époque, être apprécié sous une marque non dénuée d’une certaine modernité.

En effet, la renaissance d’un nouvel Etat indépendant avec ce que cela suppose en terme de nouvel ordre politique n’est jamais si simple. L’accouchement et l’installation du nouveau régime politique républicain fondé par Bourguiba et ses camarades ne pouvait pas, comme ailleurs non plus, avoir lieu "sans douleurs". Les carences propres à la naissance de tout nouvel ordre politique, notamment en matière de consensus nationaux autour des éléments fondateurs du régime (éléments tant politiques, idéologiques qu’institutionnels) ne peuvent être que porteuses d’une fragilité certaine. La même fragilité qui va nourrir une forme d’exercice du pouvoir davantage balisée par celui qui gouverne que par des textes juridiques dont le temps n’a pas encore raffermi la suprématie. Durant cette ère de jeunesse, l’on ne peut que se fier au volontarisme démocratique et moderne de celui qui gouverne ... tout comme à sa probité.

Durant une première période du règne de Bourguiba qui s’étale jusqu’en 1976, malgré des excès moralement et juridiquement condamnables mais que sûrement la jeunesse même du régime rendait inévitable, Bourguiba pouvait se targuer d’avoir fait preuve d’un volontarisme incontestable en faveur d’une modernité dont les éléments sont largement décrits par ses hagiographes et adulateurs. Entre autres ce qui a été précédemment mentionné, CST, scolarisation, santé publique, culture, etc.

Mais le règne de Bourguiba ne s’est pas arrêté en 1976, année de la première refonte d’envergure de la Constitution tunisienne. Et parce qu’il a choisi de demeurer encore à la tête de l’État, ses succès passés ne peuvent, ni ne doivent absoudre les échecs de son archaïsme politique et la pleine responsabilité qu’il endosse envers la dissolution des principes républicains.

Pourtant, dès 1970, Bourguiba lui-même avait su poser un juste diagnostic des dangers de l’archaïsme politique qui guettait la Tunisie. Le 8 juin de la même année, après avoir constaté que "l’expérience [révèle] que la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul, aussi dévoué soit-il, comporte des risques", il décrit les grandes lignes de la réforme institutionnelle qu’il envisage. Celle-ci portera, avait-il annoncé, sur "des amendements [qui] rendront le gouvernement responsable devant le président de la République, mais aussi devant l’Assemblée nationale qui est issue du suffrage populaire. Ainsi, il sera loisible à cette assemblée de démettre un ministre ou le gouvernement par un vote défavorable [...]. D’autres modifications de la Constitution allégeront les responsabilités qui sont assumées jusqu’ici par le président de la République et par lui seul. [...] Après quinze années d’exercice du pouvoir, il est temps de réviser la Constitution pour établir une certaine collaboration entre le Chef de l’État, l’Assemblée nationale et le Peuple" [6].

Ainsi, Bourguiba annonçait une nouvelle étape, celle qui devait enfin faire entrer la Tunisie de plein pied dans la modernité politique ardemment désirée. Le discours de Bourguiba suscita beaucoup d’espoir. Il fut même à l’origine d’une certaine effervescence politique, laquelle fut couronnée par un congrès du P.S.D. d’une rare audace. En effet, durant le "Congrès de la Clarté" du 12, 13 et 14 septembre 1974 à Monastir, beaucoup de langues ont su se délier produisant des motions qui rivalisaient de hardiesse [7].

Et le 8 avril 1976, effectivement, une profonde révision constitutionnelle fut promulguée. Sur le papier, cette réforme, bien qu’imparfaite, n’était pas exempte de relents modernistes de par la nouvelle distribution des pouvoirs qu’elle organisait. Elle était certes incomplète, puisqu’elle n’a pas produit de réelle avancée en matière d’indépendance de la justice tout comme elle passa sous silence le contrôle de la constitutionnalité des lois. Un contrôle pourtant si crucial, qu’aucun régime politique aspirant à la modernité ne peut se permettre le luxe de contourner. Mais à ce moment-là, il était encore permis d’envisager que ces manquements pour installer la Tunisie dans une authentique modernité politique puissent être encore rattrapés assez vite.

Hélas cela ne sera pas le cas. Et 20 ans après la promulgation du CSP, Bourguiba venait, avec la réforme de 1976, d’entreprendre le dernier acte inachevé vers une modernité tant espérée de la part d’une Nation politiquement constituée en tant que telle depuis au moins 400 ans (n’en déplaise à certains laudateurs). À partir de cette même année (1976), une nouvelle période commence qui fit entrer la Tunisie dans une décennie noire. L’esprit de la réforme constitutionnelle nouvellement adoptée n’ayant pas été respecté, les engagements de Bourguiba du 1er juin 1959 comme ceux du discours du 8 juin 1970 vite oubliés, il ne restait plus que l’esprit de l’article 39 (instituant la présidence à vie) qui allait prévaloir, achevant ainsi d’installer la Tunisie dans cette caricature de République gouvernée par un authentique monarque. Une sorte de souverain vieillissant, entouré - en reprenant les termes de Bourguiba lui-même - "de courtisans et de créatures [...] sans aucun moyen d’en sortir".

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les coups de semences ne manquèrent pas pour redresser la barre. Il y a eu d’abord la grève générale de janvier 1978 avec ses centaines de morts, les événements de Gafsa (1980) puis la révolte de 1984 (dite la révolte du pain). Pourtant, durant ce glissement vers les affres du désordre provoqué par l’archaïsme du mode d’exercice du pouvoir, les occasions cruciales d’un virage vers le pluralisme politique ne manquèrent pas. Nous songeons principalement aux possibilités qu’auraient pu offrir les législatives de 1981 et celles de 1986 pour une transformation des mœurs politiques vers une modernité indétachable du fait pluraliste.

Pour le scrutin de 1981, celui-ci va s’avérer le premier d’une longue liste de ces scrutins théoriquement pluralistes mais qui ne représentent dans la pratique que des tromperies électorales. Dans son Pamphlet Lettre ouverte à Habib BOURGUIBA, le premier ministre de l’époque révélera - quelques années de trop après les faits - la nature des ordres intimés à Driss GUIGA pour l’organisation de la première farce électorale. "Le ministre de l’intérieur, Driss GUIGA, - écrit Mohamed MZALI - était venu la veille du scrutin [du 1er novembre 1981] me rendre visite[...]. Il feignit, devant moi, d’être désolé de ne pouvoir, comme je le lui avais demandé, de respecter la légalité scrupuleuse du scrutin, même s’il devait résulter un succès des opposants qui remporteraient les suffrages nécessaires. Il m’a affirmé que le président [Bourguiba] l’avait convoqué - ce jour samedi - en compagnie de l’ancien Gouverneur de Tunis, Mhaddheb ROUISSI, et lui avait ordonné "d’organiser" la victoire totale de toutes les listes du P.S.D et de donner des instructions dans ce sens aux gouverneurs". "Quand j’arrivais le lendemain à Tunis - poursuit le premier ministre disgracié - je fus mis devant le fait accompli. J’appris que le matin même entre 5 heures et 6 heures, un " commando " composé notamment de Messieurs GUIGA, ROUISSI... s’était rendu au siège du gouvernorat de Tunis et y avait trafiqué les résultats [...]" [8].

Il faut bien réaliser que cette grande capacité à contrôler l’appareil d’État en toutes circonstances et cette maîtrise totale du processus électoral par le ministère de l’intérieur au point de manipuler les résultats avec une telle aisance, incarne en soi des circonstances proportionnellement aggravantes de cet acte qu’est la fraude électorale. Car frauder ainsi sans troubles politiques, démontre paradoxalement les ressources réelles de l’État à supporter la pratique effective du pluralisme politique. Élément qui rend d’autant plus archaïque et condamnable la fraude électorale en présence d’un puissant appareil de maintien de l’ordre quadrillant tout le territoire sans exception.

Quant aux législatives de 1986, le désastre n’en sera qu’accentué. Outre la fraude, par les persécutions, les procès préfabriqués et la répression tous azimuts, le scrutin n’a fait qu’engluer davantage la République dans les pratiques d’un autre âge. En effet, et déjà que le scrutin de 1981 fut, comme nous l’avons vu, scandaleusement fraudé, il va se révéler pourtant, par rapport au scrutin de 1986, comme étant "[...] paradoxalement l’âge d’or de la démocratie [sic] tunisienne" [9]. C’est dire combien les élections de 1986 furent à des lieux des mœurs politiques modernes.

Et sur le plan de la pratique électorale, nous ne pouvons qu’abonder dans le sens de l’intervention, parmi le public, du plus pédant des plumitifs au service de l’actuelle dictature tunisienne (incapable d’aligner trois phrases sans gaver l’auditoire de citations de Platon, Socrates ou Machiavel), et pour lequel Ben Ali n’est que "le digne successeur de Bourguiba". En matière de bouffonneries électorales, il l’est sans le moindre doute.

Les appréciations qui viennent de suivre concernant Bourguiba et ses rapports à la modernité sont les nôtres aussi imparfaites soient-elles. Et aussi injustes puissent-elles paraître aux yeux de certains, ces appréciations sont toutes aussi légitimes que celle des admirateurs qui ne désirent retenir que les aspects positifs du bilan du même homme. Que certains, ayant connu et fréquenté l’ex-président tunisien ; ayant succombé à son charisme au point de s’estimer liés par une sorte d’obligation de loyauté à son égard au détriment de la vérité historique, c’est leurs droits. Que ceux qui, lors de la rencontre du 30 mars à l’IMA étaient invités à s’exprimer sur le thème de "Bourguiba et la modernité", puissent esquisser, comme le fit pertinemment rappeler l’un des présents, Abdelatif Ben Salem, ce même thème pour parler de tout, sauf du sujet de la rencontre (Cf. le compte rendu de l’IMA), c’est également leur droit quand bien même l’attitude est intellectuellement inélégante et historiquement malsaine. En revanche, ce qui fut quelque peu choquant, ce sont les outrages commis à l’égard de ceux qui parmi le public ne partageaient pas cette attitude laudatrice et qui étaient venus pour écouter et échanger sur le thème annoncé. Nous songeons notamment à Tarek Ben Salah qui fut brutalement empêché par Tahar Belkhodja de développer ses propos relatifs aux aspects négatifs du parcours bourguibien (l’ancien ministre de l’intérieur Belkhodja, lui a outrageusement arraché le micro de la main). De même, on regrettera la cacophonie provoquée par Pierre Hunt afin de couvrir la voix d’un autre intervenant, Abdelatif Ben Salem, cherchant à exprimer son appréciation de certains faits historiques mettant en doute le "modernisme politique" de Bourguiba.

"Le droit d’inventaire" à l’égard de Bourguiba et l’appréciation objective de son parcours d’homme d’État appartient à tous les Tunisiens et à tout chercheur qui s’y intéresse sans que quiconque ne puisse être empêché de le faire sous le fallacieux prétexte de porter atteinte à la mémoire de l’homme. Les organisateurs de la rencontre voulaient-ils peut-être organiser une commémoration "bonne enfant" à la mémoire de Bourguiba, et ce, entre les membres d’un même "fan club" ? C’est possible en effet. Et cela relève assurément de leur liberté -absolue- de le faire. Mais dans ce cas alors, il ne fallait pas à l’appui d’un thème riche et prometteur, inviter le public à se déplacer pour le brimer ensuite lorsqu’il tente de prendre la parole pour émettre son appréciation sur le même sujet.

Les Tunisiens ont longtemps souffert et continuent à l’être par la manipulation de l’histoire, ce mal si caractéristique à certains régimes. L’histoire de Bourguiba, y compris dans ses rapports à la modernité, reste encore à réécrire. Et c’est aussi, entre autres, lors des commémorations publiques des grands événements (la rencontre commémorait également le cinquantenaire de l’indépendance tunisienne), que les avancées en matières de relecture moins subjective de l’histoire se font.

Enfin, disons-le encore une fois, et quelles que soient les tournures que cette rencontre consacrée à Bourguiba ait pu prendre du fait des nombreuses maladresses du/de ses initiateurs, notamment de Pierre Hunt, merci à l’IMA de l’avoir accueilli dans ses murs et merci à son président Yves Guéna d’avoir su trouver le ton juste pour clore les débats en appelant à davantage de tolérance et de respect... surtout lorsque les divergences s’avèrent importantes.

Astrubal, le 16 avril 2006




[1] La révision constitutionnelle de 1975 a introduit un nouvel alinéa à l’article 39 disposant qu’"À titre exceptionnel et en considération des services éminents rendus par le Combattant suprême Habib Bourguiba au peuple tunisien qu’il a libéré du joug du colonialisme et dont il a fait une Nation unie et un État indépendant, moderne et jouissant de la plénitude de sa souveraineté, l’Assemblée nationale proclame le président Habib BOURGUIBA président de la République à vie".

[2] A l’occasion du cinquantenaire du Code du statut personnel tunisien, nous publierons sur Nawaat.org (courant juin 2006), un document contenant une sélection de textes de l’auteur et lesquels textes retracent le formidable débat pour l’époque suscité par Tahar Haddad tant en Tunisie que dans le reste du Monde arabe.

[3] Cf. Yadh Ben Achour : Politique religion et droit dans le monde arabe. Tunis, Cérès Production, 1992, p. 91.

[4] Et, l’arrivée en Ifriquia des conquérants Turcs (1569 ), n’y changera pas grand-chose. Et pour cause, lorsque Housseïn Ben ALI devint bey en 1705, il le fut grâce à la population de Tunis qui le proclama souverain. Et le maintien de cette nouvelle dynastie n’a été possible qu’au prix d’une véritable " domestication " du personnel politique (Cf. M. Camau, La Tunisie. Paris, Que sais-je, 1989, p. 35) notamment par le biais des " alliances matrimoniales avec les grandes familles tunisiennes" (Cf. Michel Bronciard : Le Maghreb au cœur des crises. Lion, 1994, Ed. Chroniques Sociales, p. 30.). À cet égard, et à propos de la dynastie housseïnite, C. A. Julien fit remarquer très justement, que déjà, la Tunisie avait accumulé "[...] un passé et des traditions qui ne sombrèrent pas avec la dynastie hafcide. Les citadins, soucieux [...] d’un gouvernement qui maintînt l’ordre, obligèrent l’autorité turque à se couler dans le moule que l’Ifriquia imposait à ses Maîtres depuis des siècles" (C. A. Julien, Histoire de l’Afrique du Nord. Des origines à 1830. Paris , Payot, 1994, p. 657).

[5] Habib Bourguiba : Le Bardo, discours du 1er juin 1959, jour de la promulgation de la Constitution tunisienne.

[6] Extrait du discours du 8 juin 1970 à Tunis. In Habib Bourguiba, citations choisies par l’agence Tunis-Afrique-Presse. Tunis, Édition Dar-El-Amal, 1978, p. 85 et 86.

[7] Cf. Les deux quotidiens tunisiens L’Action du 16 septembre 1974 et Essabah du 6 octobre 1974 relatant les propositions du congrès relatives aux futurs aménagements de la Constitution.

[8] Mohamed MZALI : Lettre ouverte à H. Bourguiba. Paris, éd. Alain MOREAU, 1987, p. 27 et 28.

[9] Cf. Michel Deuré et Jean de la Guerrivière in "Le Monde" du 1er novembre 1986, p. 4.